Recevabilité de la signature électronique : que nous apprend la jurisprudence ?

  • Home
  • Actualités
  • Recevabilité de la signature électronique : que nous apprend la jurisprudence ?

(source : L’Usine Digitale)

A l’heure où l’utilisation de la signature électronique est un acte banalisé de la vie contractuelle, le contentieux autour de celle-ci se développe. Bonne nouvelle pour la sécurité juridique, la jurisprudence a su apporter des précisions et élargir le champ à de nouvelles perspectives. A travers des décisions récentes, le cabinet Caprioli & Associés résume les problématiques soulevées.

La signature électronique est mentionnée pour la toute première fois le 13 mars 2000, au sein de la loi n°2000-230. Il faudra néanmoins attendre un arrêt de la Cour d’appel de Nancy en date du 14 février 2013 pour qu’une signature électronique soit reconnue comme recevable par les juges. A ce titre, la validité d’une signature électronique est conditionnée par les trois exigences prévues à l’article 1367, al. 1 : l’identification de l’auteur ; la manifestation du consentement à l’acte ; le lien entre l’acte et la signature.

RAPPEL DU CADRE JURIDIQUE

Divers textes viennent encadrer juridiquement la signature électronique :

  • L’article 1367 du Code civil 
  • Le Décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017
  • Le règlement eIDAS du 23 juillet 2014

Pour connaître la charge de la preuve autour d’une signature électronique, il faut d’abord déterminer si celle-ci est simple, avancée ou qualifiée. Dans le cas des deux premières, la recevabilité devant le juge n’est possible que si la fiabilité de la signature est démontrée par celui qui s’en prévaut. Par conséquent, le fichier de preuve revêt une grande importance et doit être suffisamment précis, mais celui-ci ne fait l’objet d’aucun formalisme particulier.

C’est donc au juge, dans le cadre de la preuve, d’apprécier des différents éléments fournis par les parties lorsqu’une signature est contestée devant lui.

Enfin, concernant la signature électronique qualifiée, elle est considérée comme valable jusqu’à preuve contraire de par la présomption de fiabilité prévue à l’article 1367, al. 2 du Code civil.

Depuis quelques années, le contentieux autour de la signature électronique n’a cessé de s’accroître étant donné que son utilisation s’est intensifiée. A travers les décisions, certains points sont à relever.

SIGNATURE ÉLECTRONIQUE ET AUTRES PROCÉDÉS : NE PAS CONFONDRE !

Nonobstant le champ d’application de la signature électronique qui s’agrandit, il est nécessaire de rappeler que toute signature numérisée n’est pas forcément identifiée comme étant une signature électronique. De ce fait, une signature scannée ne permet pas, selon les juges, de prouver avec certitude l’identité du signataire ainsi que son consentement à l’acte (CA Versailles, 13ème ch., 8 mars 2022).

D’autres questionnements se posent quant à la fiabilité de certains supports, notamment celui de la signature réalisée sur une tablette qui a été comparée par les juges à une signature manuscrite (CA Amiens, 1ère ch. civ., 24 mai 2022). Cette assimilation est erronée car la signature réalisée à l’aide d’un stylet présuppose la plupart du temps la création d’une signature électronique activée par cet objet dont les juges ont omis de vérifier la fiabilité.

LES QUESTIONS RÉSOLUES QUANT AUX CONTENTIEUX RÉCURRENTS

L’un des points majeurs quant à la recevabilité d’une signature électronique est d’apporter la preuve de l’identité des signataires. Celle-ci peut être produite de plusieurs façons, cependant, la jurisprudence insiste à travers de nombreuses décisions sur l’importance de la carte nationale d’identité (CNI). Une copie de celle-ci (insérée dans le fichier de preuve dans le meilleur des cas) permet de justifier de l’identité du signataire (CA Aix-en-Provence, 16 septembre 2019). Attention aux inadvertances, l’appréciation des juges se montre de plus en plus stricte puisqu’en l’absence de production de la pièce d’identité du prétendu signataire, son identification est incertaine et sa signature n’est pas valable (CA Rouen, ch. de la prox., 5 mai 2022).

Lors de la signature électronique d’un contrat, l’authentification de la fiabilité de ladite signature est effectuée par un prestataire de service de confiance (PSCo). Ce prestataire doit être, au moment de la signature de l’acte, certifié par une société habilitée par l’Anssi. Une société qui ne serait pas qualifiée au moment de la conclusion du contrat qui délivre un certificat de fiabilité d’une signature électronique entraîne une impossibilité de démontrer la fiabilité de la signature électronique. Par conséquent, ce défaut remet en cause la validité du contrat. C’est notamment, la solution adoptée à juste titre par les juges dans une décision du 10 février 2022 de la Cour d’appel de Chambéry.

Enfin, depuis quelques années une tendance jurisprudentielle s’est développée afin de constater l’existence du contrat par le biais d’éléments extrinsèques telle que l’exécution de celui-ci. Cette approche est une avancée puisqu’elle permet d’appuyer le fichier de preuve et de conforter les juges dans leur décision quant à la validation de la signature électronique et par voie de conséquence de la réalité du contrat. La Cour d’appel de Paris en a offert une belle illustration le 15 avril 2021 : l’exécution du contrat (ex : règlement d’échéances) est un supplément profitable à la démarche probatoire afin de garantir la recevabilité de la demande.

En revanche, certains juges sont allés plus loin en validant la réalité de l’ouverture d’un compte prouvée seulement par l’exécution malgré la défaillance de la signature électronique (CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 15 déc. 2021. Envisager l’exécution comme une voie de contournement permettant de palier la difficulté d’établir la fiabilité de la signature électronique est juridiquement fondée mais peut s’avérer risqué… méfiance !

DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE

Désormais, la jurisprudence se dirige vers une large admissibilité des signatures électroniques. C’est par un arrêt de la Cour d’appel de Chambéry du 14 avril 2022 que les juges sont venus étendre la recevabilité aux actes de cautionnement électroniques. Cet arrêt a d’ailleurs pris de l’avance sur la législation actuelle, puisque cette décision est intervenue sur des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2021-1192 portant réforme du droit des sûretés et prévoyant leur digitalisation.

Si la signature électronique n’est plus un mystère pour les juridictions, elle n’en reste pas moins un procédé technique. Il appartient donc aux parties d’un contrat de s’intéresser aux diverses questions résolues par la jurisprudence notamment en cas de contentieux et de se tenir informées des nouvelles évolutions car au-delà du fait que la dématérialisation des contrats soit en place, celle-ci ne va cesser de se généraliser.

Eric A. Caprioli, avocat à la Cour, docteur en droit, et Marie Caprioli, juriste, doctorante
Caprioli & Associés, société d’avocats membre du Réseau JurisDéfi.

Tribune publiée sur “l’Usine Digitale” le 29/07/22

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *