(source : LMI)
Compte tenu de la complexité de la technologie et de la rapidité des progrès techniques, les DSI doivent regarder au-delà de l’entreprise pour développer une série de partenariats visant à créer des solutions répondant aux grands défis que traverse leur organisation.
L’avenir du poste de DSI fait l’objet de nombreux débats, mais une chose est claire : les leaders numériques qui veulent réussir doivent regarder au-delà de leurs pare-feu et s’associer à un écosystème de partenaires – fournisseurs, startups, labos de recherche et autres organisations – pour assurer la prospérité de l’entreprise. La raison en est simple : si les DSI peuvent souvent faire appel à des équipes talentueuses d’informaticiens internes pour fournir des solutions métiers, leur demander de concevoir toutes les innovations permettant de rester compétitif dans une ère d’évolution technologique fulgurante apparaît plus hasardeux. De nombreux DSI dépassent donc le syndrome du ‘Not invented here’ (“pas inventé ici”) pour nouer des partenariats variés visant à transformer l’IT en un catalyseur de l’innovation métier.
Selon Keith Woolley, DSI et Chief Digital Officer de l’université de Bristol, le point de départ de cette évolution réside dans une bonne connaissance des capacités de l’organisation et une compréhension approfondie des objectifs de l’organisation, ce qui implique de dépasser les limites de la DSI. « Si vous ne comprenez pas le métier, la finance, les ressources humaines et les audits, ne devenez pas DSI, car mon travail porte sur tous ces aspects », glisse-t-il. « Je dirais qu’à l’heure actuelle, mon rôle de technologue arrive en dernier. Les conversations que j’ai avec les dirigeants ne portent pas sur la technologie, mais sur la manière dont nous allons responsabiliser les gens. »
Qu’il parle de l’utilisation de la donnée dans la recherche ou de la manière dont la numérisation va modifier le rôle des universités, Keith Woolley écoute attentivement les conversations de ses collègues des métiers afin de trouver des réponses aux grandes questions que se pose son organisation. « Ce rôle de facilitateur est très différent de celui d’une personne qui ne pense qu’à la technologie à employer pour fournir un environnement de travail », explique-t-il.
Après de nombreuses années passées à essayer – et parfois à échouer – de convaincre leurs pairs au sein de la direction générale du rôle essentiel de la direction informatique, les DSI sont désormais considérés par ces derniers en égaux, à l’image des directeurs financiers et des directeurs d’exploitation. Selon Bev White, cette position offre des perspectives intéressantes. « Je pense que le rôle des DSI est en train de changer radicalement, et dans le bon sens du terme », dit-elle. « Être le pont entre la technologie et le métier est devenu crucial, surtout aujourd’hui ». Lorsque le PDG demande : “Que faisons-nous au sujet de l’IA générative ? Que faisons-nous en matière de cybersécurité ? Que faisons-nous pour la transformation de l’entreprise ?“, le DSI a de bonne chance de détenir tout ou partie de la réponse
Selon la Pdg de Nash Squared, ce rôle de facilitateur n’est toutefois pas simple à tenir. Les DSI doivent rester curieux des changements technologiques et de la vaste gamme de systèmes et de services informatiques disponibles sur le marché. Mais ce qui est encore plus important, c’est d’être capable de porter des idées novatrices dans la salle du conseil d’administration et d’expliquer comment elles aideront l’organisation à relever les défis qu’elle rencontre. « Il n’a jamais été aussi important d’être la passerelle entre la technologie et l’entreprise, déclare-t-elle. Mais, pour ce faire, nouer de bonnes relations avec les fournisseurs semble essentiel, afin d’avoir une longueur d’avance et d’informer le conseil d’administration des tendances à venir. Je pense que les DSI modernes doivent aussi être des consultants solides au service de l’entreprise. »
Sasha Jory, DSI du courtier en assurance britannique Hastings Direct, reconnaît que des partenariats efficaces sont essentiels au travail de l’équipe informatique. « Et je parle de partenariats par opposition aux relations avec les fournisseurs, précise-t-elle. Nous nous concentrons sur la création de relations profondes et de partenariats. Ainsi, nous travaillons en partenariat avec Snowflake, Microsoft, EY et Guidewire ».
Ces entreprises sont les principaux fournisseurs de technologies et intégrateurs d’Hastings, et l’organisation IT s’aligne avec eux pour garantir une utilisation efficace des technologies. Surtout, Sasha Jory dit clairement à son équipe qu’il est légitime de demander de l’aide. Et de se tourner vers ces partenaires pour en trouver. Elle attend également de ses fournisseurs qu’ils remettent en question les idées préconçues de l’équipe IT. « Personne ne peut tout savoir. Au rythme où évolue la technologie, nous sommes conscients qu’en tant qu’organisation relativement petite – nous ne sommes que 4 000 personnes -, nous ne pourrons jamais tout couvrir ou avoir les compétences nécessaires pour tout faire. C’est pourquoi le partenariat et une relation étroite où chaque partie s’écoute, apprend l’une de l’autre et se comprend sont essentiels à la réussite ».
Une approche qui résonne fortement chez Jarrod Phipps, DSI chez le spécialiste de l’automobile Holman, qui affirme que les DSI intelligents se concentrent sur le développement d’excellentes expériences front-end. Et, selon lui, cette tendance va même s’accentuer au cours de la prochaine décennie. Il conseille donc à la prochaine génération de responsables IT d’accorder la priorité à l’extension de leur écosystème de partenaires potentiels.
« Sortez de votre bureau, dit-il. Allez parler à des clients, à des employés, à vos pairs, à des dirigeants extérieurs à votre organisation – sortez et parlez aux gens. Sortez de votre zone de confort et acceptez le fait que vous ne savez pas tout, et que c’est très bien ainsi. Construisez une vision bien équilibrée et apprenez des erreurs et des succès des autres ».
Selon Bev White de Nash Squared, les startups constitueront une source cruciale d’informations pour ces exercices d’acquisition de connaissances. Même si ces entreprises naissantes n’ont pas l’envergure de fournisseurs mieux installés, les organisations qui entendent devenir leader dans le numérique peuvent apprendre énormément des petites entreprises. « La technologie est aujourd’hui un domaine passionnant, dit-elle. Découvrir que les petites entreprises ont des idées incroyables que l’on peut intégrer à son activité et qui peuvent donner naissance à de nouveaux services, c’est fantastique. » Et de conseiller aux DSI de travailler avec un réseau de petites entreprises.
C’est par exemple le cas de PepsiCo, qui travaille avec une série de jeunes entreprises sur des thématiques importantes, comme le développement durable. Jusqu’à présent, le géant des boissons a fait évoluer plus de 30 startups dans plus de 200 pays. C’est par exemple le cas de Wint, dont la solution exploite l’intelligence artificielle pour prévenir les fuites d’eau dans les usines PepsiCo. Selon les estimations, le système peut réduire la consommation annuelle d’eau de 25 %. En Turquie, PepsiCo, Pulse Industrial et BrenPower collaborent pour surveiller et détecter les défaillances des systèmes de purge de vapeur dans les usines de l’entreprise grâce à un système d’IA.
PepsiCo collabore encore avec UBQ Materials pour transformer les déchets ménagers non triés en thermoplastique d’origine biologique utilisé dans les présentoirs de produits. À une époque où de changements massifs et constants, Nigel Richardson, vice-président sénior et CIO Europe chez PepsiCo, estime que les grandes entreprises comme la sienne ont beaucoup à apprendre d’un vaste écosystème de partenaires. « Ces dernières années ont prouvé que l’histoire n’est plus un bon indicateur de l’avenir, explique-t-il. À l’heure actuelle, notre industrie et notre environnement opérationnel évoluent rapidement. Des technologies qui relevaient autrefois de la science-fiction sont en train de devenir réalité et de remodeler notre mode de vie et nos façons de travailler ».
Selon Nigel Richardson, la réponse de PepsiCo au cours des deux dernières années a été de s’attaquer de front à cette réalité. « Nous nous efforçons constamment de nous tourner vers d’autres entreprises, fournisseurs, secteurs d’activité et même vers la société pour nous inspirer et voir ce que nous pouvons apprendre et appliquer », explique-t-il.
Il en va de même chez Audi. Le géant de l’automobile a créé un Production Lab, afin de trouver des innovations susceptibles d’améliorer l’efficacité et la qualité dans toutes les usines de l’entreprise. Le laboratoire, créé en 2012, vérifie si les technologies qui ne sont pas encore utilisées dans les processus de production ont le potentiel pour être adoptées en masse. « Notre rôle est d’essayer de mieux comprendre les technologies existantes, explique Henning Löser, directeur de l’Audi Production Lab. Nous passons des moteurs à combustion interne aux véhicules électriques à batterie. Ce changement représente un défi, car de nouvelles technologies doivent être mises au point pour produire ces nouveaux véhicules électriques à batterie. Mais c’est aussi une grande opportunité, car nous modifions nos lignes de production. »
Henning Löser explique que l’objectif est d’utiliser une plateforme cloud hyperconvergée de VMware pour tester des technologies, telles que des casques de réalité virtuelle et des systèmes de production à grande échelle, dans des conditions de laboratoire. « Nous sommes les nerds, ironise-t-il. Nous jouons avec les nouvelles technologies et, ce faisant, nous découvrons ce qui peut s’avérer utile. »
L’université de Bristol consacre également des ressources importantes à l’innovation. Travailler avec des startups ne consiste pas seulement à faire appel à une expertise externe. L’université contribue également à l’éclosion de talents grâce à Engine Shed, une initiative située au coeur de Bristol et née d’une collaboration entre l’université et le conseil municipal de Bristol en 2013. Cet espace abrite un salon réservé aux membres, cinq salles de réunion, quatre espaces événementiels, trois espaces de coworking et 18 bureaux. Chaque année, plus de 30 000 personnes l’utilisent pour se connecter, collaborer et innover. Le DSI Keith Woolley explique que l’objectif de cette initiative est de rassembler les gens. « C’est là que nous soutenons nos spin-offs », explique-t-il, ajoutant que l’initiative aspire à être un « incubateur d’incubateurs ».
Keith Woolley encourage les autres DSI à réfléchir à la manière dont ils peuvent eux aussi favoriser un réseau tourné vers l’innovation : « Si vous ne comprenez pas où vont les marchés, comment pouvez-vous être sûrs que vous mettez en oeuvre les bonnes technologies pour permettre le changement dont votre entreprise a besoin ? » En tant que membre du conseil d’administration de l’université, le DSI et Chief Digital Officer travaille avec ses pairs de la direction générale pour réfléchir à la manière dont les technologies pourraient aider l’institution à atteindre ses objectifs et à offrir de meilleures expériences aux universitaires et étudiants.
Selon lui, c’est cette focalisation étroite sur la stratégie de l’entreprise qui définit le rôle de catalyseur d’un DSI efficace. « Le leadership informatique est mon travail quotidien », explique-t-il. « Mais en tant que cadre supérieur, je dois comprendre comment la technologie s’intègre dans la stratégie globale de l’organisation. Et je pense que les DSI qui ne deviennent pas des facilitateurs au service des métiers deviendront très vite des dinosaures ».
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